Bienvenue sur le blog de l'association loi 1901 Objectif Mada - Tanjona Mada

Voici le blog sur lequel après avoir pu suivre jour après jour le périple de Simon et Stéphanie à Madagascar, vous pouvez suivre les réalisations d'Objectif Mada.

samedi 18 décembre 2010

Newsletter n°4

Newsletter numéro 4, Novembre 2010 : la côte Est



De Diégo à Sambava

La piste d’Ambilobe à Vohémar est l’une des pires de tout le pays avec ses ornières de près d’un mètre de haut et ses rochers de toutes sortes à franchir. Il faut ainsi 18h pour faire les 450km qui séparent Diégo de Sambava (en 4x4 benne, de surcroît…) dont 12h pour faire les fameux 150 km de cette piste, on vous laisse faire le calcul du km/h …

Sambava est la ville principale de la région de SAVA, elle est bercée par la récolte du café, celle de la vanille (dont la capitale est Antalaha, la ville voisine), du litchi et par l’océan indien qui la borde. C’est une ville construite tout en longueur le long de la route principale (il n’y a pas eu de plan d’urbanisme !) mais qui contrairement à d’autres villes, semble plutôt riche avec de jolies maisons. On relève cependant quelques séquelles de la dernière crise politique, notamment le supermarché, appartenant à l’ancien président, qui a été pillé avant d’être brûlé…

Une bonne initiative, ici même s’ils sont en surnombre, les taxis jaunes et rouges forment une union tarifaire, avec les tarifs officiels affichés dans toutes les voitures. C’est d’autant plus intéressant que les tarifs par personne sont corrects, sauf pour l’aéroport où ils sont multipliés par 3. Pour notre part on a rusé, on s’est fait déposer devant l’aéroport, et non pas dans l’aéroport. Puis on a eu à marcher quelques centaines de mètres seulement.



Marojejy et les parcs nationaux malgaches

Marojejy (signifiant « beaucoup d’esprits ») est le parc national le moins fréquenté de Madagascar et pourtant sans doute l’un des plus beaux, avec le célèbre lémurien blanc et les gentilles sangsues… Par où commencer pour décrire ce parc ? Après plusieurs heures de marche à travers les villages périphériques et les rizières voisines, nous entrons dans une somptueuse forêt primaire tropicale humide qui présente la particularité de s’étendre sur 2000m d’altitude, offrant ainsi une palette de climats et de végétations extrêmement variée, et une diversité faunistique très rare dans ce type de milieu : 260 espèces de fougères (dont 18 arborescentes), 30 de palmiers (dont 6 qu’on ne trouve qu’ici…), 147 espèces de reptiles et d’amphibiens, 115 d’oiseaux, 11 de lémuriens,… En même temps, nous sommes projetés dans un autre univers : ici, presque tout est endémique. Des insectes tous plus étranges les uns que les autres volent autour de nous. Probablement certains d’entre eux n’ont encore jamais été découverts, jamais été officiellement nommés : nous avons l’impression d’être dans un rêve éveillé, entourés de créatures multicolores tirées des songes. Hormis quelques scientifiques et touristes, nous sommes seuls au milieu d’une forêt qui vit sans nous. Pas de pollution, une eau claire et pure, des lémuriens de toutes sortes qui nous regardent avec curiosité, nous y sommes. Pendant 3 jours, nous avons découvert une piscine naturelle, vécus au rythme du soleil en pique-niquant et en dormant dans des petites cabanes en bois ou encore découvert la très belle cascade de Humbert, du nom du naturaliste français qui découvrit tardivement le site, en 1948. La seule anomalie serait peut-être les toilettes qui ressemblent presque à des toilettes traditionnelles ! Nous avons grimpé pour observer tous les animaux, des caméléons les plus farfelus aux insectes les plus originaux. Nous avons moins aimé par contre retirer les sangsues agrippées à notre peau (au bout de la 8éme qui met du sang, notre sang, partout quand on l’arrache, on commence à en avoir marre…)

Notre ultime récompense reste cependant d’avoir vu le lémurien blanc (et un de leur bébé !), le fameux propithèque soyeux ou Simpona, que l’on ne trouve que dans ce parc, après 2 jours de marche, la pluie, les bleus et autres douleurs musculaires. Mais quelle récompense ! Ce parc reste donc un de nos meilleurs souvenirs ici…



Maroansetra, le bout de tout

Il faut du courage et de la patience pour arriver à Maroansetra par la route. Quatre jours minimum de marche depuis Antalaha (aucun véhicule à 2 ou 4 roues ne peut passer !), ou bien 3 jours de taxi-brousse si tout se passe bien depuis Tamatave. Le bout du monde, donc. On peut cependant y accéder en avion (pour ceux qui ont un peu d’argent) et en bateau pour les très courageux : les vagues peuvent atteindre 6 mètres de haut (!) et il y a souvent des accidents mortels.

Maroansetra (prononcez Marounset’) est une petite bourgade sympathique où l’on côtoie des malgaches accueillants et où toutes les rues sont en sable, faute de moyens pour réhabiliter les larges allées de type colonial que l’on peut encore imaginer. Il y a malgré tout l’électricité et le téléphone mobile. Il ne faut cependant pas courir les restaurants et autres activités, car il n’y a pas grand-chose à faire.

C’est le lieu privilégié pour les personnes qui souhaitent se reposer loin de tout, ou le point de départ de l’aventure pour tous ceux qui veulent aller à Masoala, le plus sauvage des parcs nationaux de Madagascar (malgré les nombreuses expéditions scientifiques qui y sont menées chaque année, de larges régions n’ont encore jamais été explorées et apparaissent en blanc sur les cartes). Il y en a pour tous les goûts et tous les prix, de la petite balade d’une journée au grand treck de plusieurs semaines tout autour de la péninsule.

La plage est à quelques kilomètres, tout comme l’aérodrome. Il s’y dégage une odeur de bien-être, même si la pauvreté et le problème de scolarisation des enfants dont nous vous avons parlé précédemment sont ici bien présents.



L’image « vasaha »

Comme à Tana et dans n’importe quel endroit du pays, les vasahas sont repérés dès leur entrée dans la ville. Ce sont surtout les enfants qui nous abordent de prime abord avec un « Bonjour vasaha ! », tous fiers de savoir parler un peu français.

Certains restent cependant sur la défensive avec un timide bonjour lancé dans notre dos après notre passage, comme si les « blancs » étaient à la fois admirés et craints. Rares sont les touristes qui ne se lassent pas rapidement de cet état de fait. Les parents nous montrent du doigt à leurs bébés (qui s’appellent tous zaza en malgache puisque, forte mortalité oblige, ils ne sont pas nommés avant leur 1 an) comme si nous étions des animaux de foire. Ils disent en malgache : « ho, regarde, un vasaha », comme nous pourrions nous-mêmes nous extasier devant un lémurien ou un caméléon. Puis les bébés s’entraînent à prononcer le célèbre « bonjour vasaha », avec plus ou moins de facilité (comme ils apprennent chez nous à dire « papa » ou « maman ») afin d’être prêts à le prononcer parfaitement dès leur plus jeune âge.

D’autres enfants ne perdent pas le nord et nous demandent très rapidement de l’argent, ou des bonbons. Ce que nous préférons, même si nous n’avons ni l’un, ni l’autre. Notre nouveau défit est de leur parler correctement malgache pour qu’ils soient bluffés, et ça marche ! Mais il ne faut pas trop qu’ils commencent à nous répondre en malgache parce que là, ça devient nettement plus difficile. Peut-être un jour saurons-nous parler couramment le malgache…

Dans tous les cas, il est quasiment impossible ici de passer inaperçus, ne serait-ce qu’à cause de notre couleur de peau, et nous sommes dès lors une véritable attraction. En descendant vers le Sud, beaucoup plus touristique, nous constaterons que c’est encore différent : les touristes ont mal habitué les malgaches avec des cadeaux non justifiés qui incitent à la mendicité et n’aident pas au développement économique. Si nous passons donc un petit peu plus inaperçus (tout est relatif…), nous sommes en revanche beaucoup plus sollicités pour de l’argent ou par des rabatteurs cherchant à nous vendre tout un tas de choses.



La conscience politique

La politique ne fait pas partie des préoccupations de la plupart des malgaches. Beaucoup d’entre eux ne vont pas voter et ceux qui le font suivent souvent la mouvance sans grand intérêt.

Il y a quelques années, un ministre est venu dans le nord et a demandé aux habitants de Diégo (dont la pauvreté n’est pas négligeable) ce qu’ils voulaient. Ces derniers ont demandé la télé publique… et l’ont obtenue ! L’anecdote peut laisser songeur quant à la capacité et la volonté d’action d’un politicien dans ce pays, et surtout l’intérêt de la télévision lorsqu’on a rien…

Dans la même registre, le député local n’a eu, pour être réélu aux dernières élections, qu’à promettre lors de ses meetings d’organiser un grand bal populaire gratuit et ouvert à tous juste après la tenue des élections.

Des exemples comme ceux-ci, nous en avons encore beaucoup, et nous en reparlerons probablement dans d’autres écrits.



Nosy Mangabe

Nosy Mangabe est une petite île au large de Maroansetra, qui fut le fief du pirate John Avery. Elle a été découverte par des marins hollandais au 17ème siècle et l’on y trouve encore des inscriptions datant de l’époque, notamment sur des rochers qui servaient de… boîte postale ! Aujourd’hui classée parc national de Madagascar et gérée par l’Angap, on trouve sur cette île 4 espèces de lémuriens : le Vari noir et blanc, le lémur fauve albifrons plus petits et le Aye-Aye ainsi que le microcèbe, tous deux nocturnes. Comme nous n’y sommes allés qu’une journée nous n’avons vu que les 2 premières espèces, mais la rencontre était d’une extrême richesse. Les premiers ont un cri d’une puissance inouïe, qui s’entend à des kilomètres à la ronde, franchement impressionnant en pleine forêt primaire. Les seconds ressemblent à de petites peluches et sont vraiment adorables ! Nous avons eu la chance d’observer de longues minutes une famille avec le petit accroché au ventre de la mère et nous sommes vite devenus fans.

A Nosy Mangabe, il y a aussi des geckos plats (les uroplatus), incroyablement doués en camouflage, des lézards de toutes sortes de 4 cm à 30 cm, des araignées aussi grosses qu’une main et de toutes petites grenouilles pas plus grosses que la première phalange d’un doigt (les mantellas). Une diversité époustouflante… On y trouve également le tombeau d’une très vieille famille malgache qui vivait sur cette ile et a souhaité être enterrée là.



Mananara et les Aye-Aye

Mananara est une petite bourgade à mi-chemin entre Maroansetra et Tamatave, à une journée de route au sud de Maroansetra, c'est-à-dire à 150km (avec une moyenne de 10km/h…).

Pour se rendre à Mananara, on doit prendre une improbable piste qui constitue l’unique route de Maroansetra ! Comme le taxi-brousse était complet, nous avons eu la chance de voyager, à l’arrière, dans la benne avec 12 autres personnes… En toute honnêteté, on nous a dit que nous étions des Warriors d’avoir fait ça. La route est un chemin qui aurait pu être créé pour satisfaire le côté Indiana Jones des touristes, parce qu’en fait, il n’y a pas de route. Par moment, c’est un amas de rochers. D’autre fois, la piste n’existant plus ou le pont étant coupé, il faut traverser par la plage et donc marcher à côté pour alléger le véhicule. On a dû autant marcher que rouler, ce qui n’est pas plus mal, parce que ça nous a évité des bleus supplémentaires. Le plus spectaculaire, outre les magnifiques paysages, c’est les bacs que nous avons pris : 10 bacs rien que pour aller jusqu’à Mananara. Certains sont en métal, avec un moteur, plus ou moins fidèles à l’image traditionnelle qu’on se fait d’un bac. D’autres ne sont qu’un amas de bambous accrochés entre eux, et poussés à l’aide d’une perche comme les gondoles de Venise. En montant dessus, le 4x4 s’y enfonce parfois de près de vingt centimètres et nous faisons donc la traversée les pieds dans l’eau, sauf lorsque nous passons à côté, sur les débris d’un pont pendant que le 4x4 est sur le bac. Tout simplement mémorable ! Pendant près de 300 km (deux jours !), c'est-à-dire jusqu’à mi-chemin de Tamatave, ce sera pareil. On a même vu un grand bac poussé par un moteur de petit bateau ! Cette route est donc à conseiller pour tous les adeptes d’aventures et de somptueux paysages.

Nous nous étions arrêtés à Mananara pour aller visiter le parc des Aye-Aye, sur une île. Du pittoresque à souhait ! La ville en elle-même n’a rien de bien intéressant puisqu’elle reste un carrefour, ou plutôt une halte entre Tamatave et Maroansetra. Mais l’île privée est fort sympathique. Nous y sommes rendus en moto, avec le propriétaire des lieux (bien sur sans casque, puisque presque personne n’en a à Madagascar…), puis en pirogue (qui, comme à la plupart des pirogues, fuyait). Nous étions assez contents de voir que la traversée n’était pas très longue lorsque le piroguier s’est mis à vider l’eau à la kapoka !

Sur l’île, nous avons pu goûter le lait de coco, sur des noix de coco fraîchement coupées, en attendant la nuit. Après de longues minutes, le premier Aye-Aye est enfin sorti de sa cachette et a commencé son rituel quotidien pour se réveiller et aller manger. Nous avons eu la chance de les observer durant près d’une heure, ce qui fut une jolie expérience parce qu’il est rare et très difficile à apercevoir !



Le taxi-brousse et les transports malgaches

C’est toute une aventure. Nous vous en avions déjà parlé, mais les mauvaises conditions de transports se sont confirmées par la suite. A Madagascar, le meilleur moyen de transport reste l’avion mais il est très couteux, surtout pour un malgache. Il y a également deux lignes de chemins de fer qui prennent des passagers mais faute de moyens, elles tournent au ralenti. Il y a par exemple la ligne Tamatave/Moramanga, qui sert principalement pour les transports de marchandises mais qui prend également des passagers. Il faut compter 12h pour faire le trajet en train, là où un taxi-brousse met 7h : le choix est donc souvent vite fait, sauf si on le prend pour des raisons touristiques. Le train Fianarantsoa-Manakara, que nous prendrons plus tard, est assez connu justement pour son coté touristique.

Le taxi-brousse existe en deux versions :

- la « zone nationale », trajets pour lesquels il n’y a légalement qu’un passager par siège (sauf les enfants qui ne comptent pas…), soit théoriquement 14 passagers maximum. En réalité, bakchich aidant, il peut y en avoir beaucoup plus (pour exemple, le trajet Tana-Diégo que l’on a fait en octobre…)

- la « zone régionale », où le taxi-brousse fait office de « bus » entre deux villes relativement proches et en tout cas dans la même région. Là, ils peuvent légalement charger 4 personnes de plus, une par rangée, assise entre deux sièges, pour faire monter l’effectif total à 18. Là encore, bien sur, les enfants ne comptent pas et tout ça n’est que théorique puisqu’il nous est déjà arrivé d’être tassés à 32 sur un trajet régional… Ces transports régionaux sont par ailleurs soumis à une concurrence très rude et lorsqu’on arrive à pied ou en taxis aux abords d’une gare routière, les rabatteurs (qui nous promettraient presque de nous emmener au bout du monde pourvu que l’on ne choisisse pas le concurrent) rivalisent d’ingéniosité pour que l’on s’intéresse à eux. Certains vont même jusqu’à s’inviter dans votre taxi (qui roule au pas à cause des embouteillages…) pour indiquer au taxi où se trouve leur bureau, sans jamais vous demander votre avis ! Nous, on en profite pour négocier dur, et bien souvent ils préfèrent consentir à une réduction plutôt que de perdre deux clients. Ensuite, c’est souvent un véritable rodéo qui s’engage sur la route pour doubler le taxi-brousse de devant et ramasser les clients avant lui ! Très impressionnant…

Bref, de tous les transports malgaches que nous ayons pris, cyclo-pousse, taxi bé (bus), taxi, taxi-brousse régional ou national, avion ou pirogue, il n’y en a pas un seul qui ne soit pas anecdotique.



De Mananara à Tana : le parc d’Andasibe

Après un bref passage à Tamatave où il a fallu lutter pour ne pas se faire dépouiller par les cyclo-pousses qui n’hésitaient pas à gonfler la note à l’arrivée (Stéphanie a d’ailleurs appris le mot Mpangalatra qui signifie voleur, pour tout dire…), nous avons pris le chemin d’Andasibe et là, ce fut un changement de décor complet !

On peut en effet comparer Andasibe à une ville du far-west (avec ses habitations en bois, ses planches qui craquent, ses bars-saloons d’où John Wayne pourrait sortir, pistolet à la main, son train et sa jolie gare malheureusement vide…) qui serait perdue dans le massif central ! Ici, en effet, il y a des pissenlits dans les bas-côtés verdoyants, et les routes en lacet sont aussi bien goudronnées que nos départementales françaises. Avec de la pluie et des matinées bien fraîches, nous étions contents d’avoir apporté nos ponchos et nos pulls. Nous nous y sommes arretés pour voir la deuxième équipe de Mad’arbres avec qui nous avons pu bien discuter (Simon a d’ailleurs testé leurs attractions) et surtout pour voir le parc avec les Indri-indri, des lémuriens dont les chants matinaux ressemblent beaucoup à ceux d’une baleine. Magique ! Pour visiter, nous avons choisi de passer par l’association Mitsinjo que nous connaissons via Mad’arbres. Mitsinjo lutte contre la déforestation et pour le développement de l’économie locale. Prendre un guide de cet organisme était pour nous beaucoup mieux que de passer par l’Angap. Et nous n’avons pas été déçus puisque notre guide nous a montré les indri-indri de très près (dont une femelle avec son petit dans le dos) et de nombreuses espèces de plantes et d’insectes. Lors d’une visite nocturne, nous avons pu voir le Microcèbe qui comme son l’indique n’est pas plus grand qu’un cochon d’inde. Nous avons même eu la chance de rencontrer quelques sangsues…

A Andasibe, nous avons été accueillis dans les chambres d’hôtes d’une famille assez exceptionnelle qui nous ont fait découvrir leur passion pour la musique à travers un mini-concert : un grand moment !

Puis est venue l’heure du départ avec un bref retour vers Tana pour prendre un taxi-brousse direction le sud.

Pas encore de photos cette fois, ce sera pour la prochaine newsletter !

En espérant que cette 4ème newsletter vous ait plu, nous vous disons à bientôt pour la suite de nos aventures entre Manakara et Tuléar !

A bientôt,

Simon et Stéphanie

jeudi 2 décembre 2010

Objectif Mada Newsletter n°3

Newsletter n°3, 30 octobre 2010 : de Diégo à Nosy Be



Le temps passe si vite… et les connexions internet ne sont pas toujours au rendez-vous. C'est la raison pour laquelle cette newsletter, si elle est datée du 30 octobre, risque d'arriver bien plus tard dans vos chaumières. Nous avons décidé de rester un peu plus longtemps à Diégo-Suarez : cette ville est bien plus agréable que la capitale malgache, et nous avions envie de comprendre en profondeur les habitants de cette région. Cela nécessite de mettre de coté le taxi-brousse quelques temps, et de privilégier la marche à pied à travers la ville. Nous avons cependant eu l'occasion durant notre pause Diégo-Suarienne d'aller faire un tour en brousse, du coté de la très touristique île de Nosy be, mais côté grande île, en face, nettement moins touristique. L'occasion pour nous de rencontrer une nouvelle réalité, un nouveau peuple, une nouvelle façon de vivre : le monde de la brousse malgache.



L'Hermitage et la brousse

L'Hermitage plage est ce que l'on pourrait appeler un hameau de quelques maisons seulement, perdu sur la plage d'une presqu'île paradisiaque, face à l'immensité de l'océan et à trois îles de tailles variables : Nosy Be, Nosy Komba et Nosy Fany.

Ici, on appelle ça la brousse. Bien sur, ici, pas d'eau courante ni d'électricité. Parfois, le réseau de téléphonie mobile arrive à se faufiler. On trouve alors des commerces de recharge de téléphone portables, qui chargent les téléphones de ceux qui en ont à partir de batteries, pour quelques centaines d'ariary (quelques centimes d'euros). Les vasahas qui y habitent ont souvent un groupe électrogène ou des panneaux solaires et un puits avec un château d'eau. Les villages voisins sont tous composés de cases en falafy et en bobo : ce sont les feuillages de l'arbre du voyageur (une espèce de palmiers) qui sont utilisés pour le toit et les tiges de ce même arbre pour les murs. Faute de puits, ils ont une fontaine publique payante et faute de groupe électrogène, ils s'éclairent avec des lampes à pétrole. L'association Coup de pouce a cependant mis en place un lampadaire solaire (qui peut aussi servir à recharger les téléphones) aux abords d'un champ faisant office de stade.

Les malgaches sont très attachés à leur case en falafy. C'est leur type d'habitation typique, facile à construire et peu cher. Même lorsqu'ils en ont la possibilité, ils n'en changent pas pour autant. Par ailleurs, les cyclones faisant souvent des ravages dans cette partie du globe, mieux vaut ne pas trop investir dans sa maison : elles sont légèrement surélevées pour laisser passer l'eau en période de pluie et se reconstruisent facilement. Dans les villages le long des routes, seuls les bâtiments publics (mairie, école…) et parfois certains commerces sont en dur.

Tous les champs de culture ainsi que les habitations sont entourées de barrières en bois : ce sont des clôtures à Zébus et à chèvres ! Mais contrairement à ce qu'il se fait en France, ces clôtures ne servent pas à confiner le bétail dans un lieu précis : ceux-ci, comme partout à Madagascar, sont libres de déambuler où ils veulent, et de manger l'herbe des bas-côtés aussi bien que celle des champs. Les barrières ne servent qu'à les empêcher de manger les plantes ornementales aux abords des maisons ou les cultures d'artichaut et de citronnelle… Un autre concept, assez drôle pour nous !

Au petit matin, ce n'est pas par les coqs que nous sommes réveillés ici, mais plutôt… par les cris des makis qui profitent de la fraicheur matinale et du fait que les humains dorment encore pour venir manger quelques mangues, ainsi que par les aboiements de chiens qui, visiblement, n'aiment pas trop ces lémuriens. Mais ça reste sympa d'entendre les lémuriens, et c'est un réveil quand même assez original. Et si on ne se lève pas trop tard, on a souvent l'occasion d'en croiser 6 ou 7 dans les arbres environnants.



Nosy Be

Parce que si, on est quand même allés y faire un tour. Nosy be, c'est une grande île très touristique et très européanisée. Il existe même un aéroport international et de nombreux hôtels en ont profité pour s'y installer. Au final, pas grand-chose à faire à Hell-Ville, la capitale de l'île, vestige de la colonisation qui vit sur ses acquis. Comme ailleurs à Madagascar, l'ancienne empreinte colonialiste est bien présente. Tout le long de la route qui mène du port au centre-ville, on remarque les superbes demeures du temps de la colonie, aujourd'hui en état de décrépitude avancées. Avec un peu d'imagination, on réalise ce que devait être cette grande avenue boisée… Les fonds marins sont parait-il particulièrement jolis aux abords de l'île, mais on n'a malheureusement pas eu le temps d'aller faire de la plongée… L'île est également recouverte de forêts où se cache quelques trésors dont de nombreuses cigales qui font tellement de bruits qu'on les entend jusqu'au large !



L'administration malgache

On pourrait la comparer à la version française de l'administration, dont elle est directement inspirée, mais en plus complexe (c'est pour dire !) Comme il n'y a pas de budget, le personnel manque, les dossiers se perdent, et la corruption règne en maître à tous les étages. Le notaire a son bureau au sein même du tribunal ; il y a un tribunal dans chaque ville principale. La population, par manque de connaissance, est souvent démunie face aux problèmes administratifs auxquels elle est confrontée. Heureusement, il reste les bureaux d'informations à l'entrée qui sont là pour les aider. Ils ont été créés en 2007 avec l'aide de l'Union Européenne, mais ils ne sont pas forcément très fréquentés.

L'acquisition d'un titre de propriété en est un bon exemple. Tout d'abord, quelqu'un qui n'a pas la nationalité malgache ne peut pas devenir propriétaire à Madagascar, sauf s'il met la propriété au nom de quelqu'un qui a la nationalité du pays (à savoir que la nationalité malgache est curieusement bien plus difficile à obtenir que la nationalité française : elle ne s'obtient pas par le droit du sol, uniquement par le droit du sang). Un non malgache peut cependant avoir un bail emphytéotique, pour 50, 75 ou 99 ans (généralement renouvelable une fois) qu'il peut éventuellement par la suite revendre (plus cher s'il a construit une maison, mais moins cher si le bail touche à sa fin). Par ailleurs, si le terrain reste inoccupé trop longtemps, il arrive que le propriétaire du bail en perde le titre et l'usage…

Pour faire un acte de propriété, il faut donc faire borner le terrain par un agent de l'état, passer devant chez le notaire puis devant l'administration qui enregistre les actes. Chaque étape prend une journée au minimum (plus une quinzaine de jour pour que le service fasse son travail) et il arrive que les différents services administratifs ne soient pas dans la même ville et qu'il faille plusieurs heures de route pour se rendre de l'un à l'autre.

Il arrive que certains terrains soient prêtés par l'état malgache, il suffit d'en faire la demande. Mais il y a alors obligation d'occuper le terrain et de le mettre en valeur avec, par exemple, un établissement touristique. Sinon, l'état récupère rapidement son bien.



Le pillage de Madagascar

A Madagascar, 80% des espèces animales et végétales sont endémiques. Il y a encore 15 ans, Madagascar était un pays luxuriant. Certes, la déforestation était déjà massive. Certes, les lémuriens étaient chassés et la forêt primaire était réduite à une peau de chagrin. Mais les plaines étaient encore vertes, et les forêts (secondaires) prospéraient.

Aujourd'hui, l'exportation illégale de bois précieux vers l'Europe (bois de rose, palissandre) par des étrangers se poursuit tandis que les paysans ne voient pas d'autre alternative à leur survie que l'ancestral tavy, ou culture sur brûlis, pour planter des rizières. Le problème, c'est que le temps de jachère, devenu trop court du fait de l'intensification de la production rizicole (il faudrait au moins 25 ans entre chaque tavy pour que la fertilité du sol ait le temps de se reconstituer) et les trop grandes surfaces sur lesquelles le tavy est pratiqué, conduisent inexorablement à transformer Madagascar en désert. Les sols laissés nus sont lessivés à chaque saison des pluies et après 3 ou 4 années de production rizicole, généralement, il ne reste rien d'autre du sol que la latérite rouge pas plus fertile que de la brique. Partout dans le pays, des montagnes entières, à pertes de vue, sont désormais nues de toute végétation. A la saison des pluies, l'océan indien, à près de 100 km à la ronde autour de Madagascar, devient rouge, couleur de la terre de Madagascar qui fond peu à peu dans l'océan. Officiellement, il est désormais interdit de pratiquer la culture sur brûlis à Madagascar. Pourtant, le phénomène s'intensifie et il ne se passe pas une seule journée, en brousse ou aux abords des villes, sans que l'on aperçoive un feu de forêt. La population paysanne de Madagascar est bien trop pauvre pour pouvoir se projeter ne serait-ce qu'au lendemain. Alors 3 ans, ça leur parait être une éternité. Tous ceux qui ont connu la forêt entre Tananarive et Diégo-Suarez et qui nous parlent aujourd'hui de ce qu'elle est devenue ont pourtant les larmes aux yeux…

La péninsule de Masoala, véritable paradis terrestre, probablement l'un des plus beaux parcs nationaux de l'ile dans lequel tous les ans des missions scientifiques découvrent des centaines de nouvelles espèces animales et végétales, vient d'être pillée de son bois de rose : crise politique oblige, l'armée a été rapatriée à Tananarive, la capitale, pour maintenir l'ordre. Les pilleurs et braconniers s'en sont donné à cœur joie. Les gardes et les guides du parc ont tiré la sonnette d'alarme, mais l'état n'avait pas les moyens d'intervenir : ils se sont retrouvés seuls, face aux braconniers lourdement armés, pour tenter de protéger leur parc naturel. Inutile de dire qu'ils ont échoué, ils n'étaient pas en mesure d'entreprendre la lutte armée qui aurait été nécessaire…

A Andasibe, à 4h de route à l'est de la capitale, où il subsiste un morceau de forêt primaire, la déforestation a aussi fait des ravages et désormais, il n'y a plus que trois massifs forestiers isolés génétiquement. L'isolement génétique met en danger les populations animales et végétales présentes dans ces forêts. Avant la crise politique, des centaines de planteurs menaient une vaste campagne de plantation. Mais le budget de l'état ne permet plus ce genre de financement : le budget de l'ancien gouvernement était constitué à 70% d'aides internationales. Le gouvernement actuel n'étant pas reconnu, les aides internationales sont aujourd'hui réduites à néant : l'intégralité du budget de l'état est donc actuellement consacrée à l'armée (le président de la transition tient à conserver son soutien…) et au payement des salaires des fonctionnaires. L'instabilité politique est le pire ennemi de la biodiversité.

Toujours à Andasibe, une vaste mine de Cobalt et de Nickel vient d'ouvrir : 7 milliards de dollars viennent d'y être investis par une entreprise canadienne qui n'a aucune conscience de la réalité du pays et qui ne veut surtout pas en avoir conscience. Les boues générées par l'extraction sont transportées jusqu'à Tamatave, où elles ne sont pas retraitées mais simplement stockées dans une grande vallée spécialement sacrifiée à cette occasion. Cette vallée est située à quelques centaines de mètres de la mer mais il n'y a pourtant, au dire des « spécialistes » de l'entreprise, aucun risque d'infiltration des produits toxiques vers la mer… En attendant, les malgaches employés par cette usine travaillent 6j/7 et 12h par jour. Heureusement, ils sont très bien payés : 80.000 ariary par mois, soit 30 euros… A quoi servent le nickel et le cobalt, déjà ? Ha oui : à produire des téléphones portables, entre autre.

Pendant ce temps les lémuriens, malgré l'interdiction formelle, continuent d'être chassés et presque toutes les espèces sont menacées. Mais que dire à une population qui ne mange pas à sa faim ? D'autant plus que les chasseurs cueilleurs n'ont jamais été les ennemis de la forêt. Mais aujourd'hui, la déforestation intensive a considérablement réduit l'aire vitale des lémuriens et les a rendus rares. Il est donc essentiel d'arrêter de les chasser. Mais quand on n'a rien d'autre à manger…

La Grande Ile, aujourd'hui, agonise. Demain, Madagascar ne sera plus qu'un immense désert. Certains pensent qu'il n'y a rien à faire, à part faire ses adieux à ce beau pays. Nous restons pourtant persuadés qu'il doit exister des solutions.



La famille malgache

La famille malgache est une véritable communauté. Il y a les parents, les grands-parents, les enfants, les petits enfants. Les cousins et les cousines éloignés font encore partie de la famille proche, et sont désignés comme « frère » et « sœur ». Parfois certaines familles un peu aisées élèvent des cousins et cousines ou les enfants de leurs frères et sœurs. Si le couple ne peut pas avoir d'enfants, il n'est pas rare qu'une sœur de la femme ou un autre membre de la famille lui confie un de ses enfants pour l'élever, surtout si les conditions de vie de l'enfant peuvent être meilleures.

Il n'est pas rare qu'une famille soit composée de 10 ou même 15 enfants : rien d'étonnant dans une société où les moyens de contraception sont peu répandus et où l'enfant est très important. Ainsi, un couple sans enfants est très mal vu, sauf s'il s'agit de jeunes, mais alors leur union est considérée comme peu sérieuse, même s'ils sont mariés ! Souvent, d'ailleurs, les gens qui ont des enfants ne sont plus appelés par leur prénom mais par le terme « père ou mère de untel », ce qui est une marque de respect. Les filles-mères, contrairement à ce qu'il se passe dans la société occidentale, sont respectées et trouvent facilement un mari, car elles ont montré qu'elles étaient fécondes.

Dans le sud de Madagascar, la polygamie encore très répandue, ce qui peut s'expliquer encore une fois par la volonté d'augmenter la taille de la famille.

Les personnes âgées sont également très respectées et ce sont elles qui détiennent l'autorité. Il ne viendrait donc pas aux malgaches l'idée d'envoyer les vieux dans des maisons de retraite même si, dans les grandes villes, il arrive quand même d'en trouver.

La famille malgache est très religieuse (il y a de nombreuses religions ici). De plus, pour eux la mort est une fête et ils célèbrent un enterrement avec musique et couleur. Les morts sont d'ailleurs enterrés dans la demeure familiale dans des endroits richement décorés.

Toutes les cérémonies sont prétextes à la fête et des rituels sont organisés pour chaque événement. Par exemple, lors d'un accouchement, l'aîné de la famille enterre le placenta de la mère sous une grosse pierre.

Il existe également la cérémonie de retournement des morts, très fréquente : cinq ans après l'enterrement, les malgaches déterrent le défunt dont les ossements sont lavés par une personne de confiance du même sexe. Cette personne doit être de confiance pour éviter de jeter un sort sur le mort et par là même, sur toute sa famille. Le défunt est ensuite placé dans un nouveau linceul et dans un tombeau plus petit, généralement en pierre. A cette occasion, une fête est également organisée autour du sacrifice d'un zébu dont les meilleures parties sont données en offrande. Des goûteurs sont chargés de manger le repas, mais selon la légende, les fantômes des ancêtres passeraient avant le goûteur et les mets n'auraient plus de goût !

On constatera d'ailleurs que les fantômes et les sorcières ont une place importante dans la société malgache, mais qu'elles cachent souvent une réalité parfois plus dure à surmonter…



Echange scolaire entre écoles malgaches et françaises

A Diégo, nous avons rencontré la directrice d'une école privée, Les petits lutins. Nous avons choisi cette école pour organiser un échange de correspondances parce que les élèves parlent correctement français et qu'ils ont un niveau scolaire similaire à celui de la France. C'est le compromis que nous avons trouvé, entre les écoles publiques dont les élèves ne parlent pas français pour 80% d'entre eux, et les écoles françaises, très chères, qui sélectionnent une catégorie biaisée de la population malgache ainsi que les résidents français et européens, avec qui l'échange était moins intéressant. Par ailleurs, les écoles publiques ne bénéficient pas des moyens pour avoir un accès à internet et les instituteurs, sous-payés et démotivés, n'ont qu'un mot à la bouche : que vais-je y gagner ? On peut les comprendre puisque bien souvent, leur salaire ne leur suffit par à vivre. Dans ces conditions, ils n'ont malheureusement que rarement envie de faire quelque chose pour leurs élèves. A l'école les petits lutins, l'objectif affiché de l'établissement est que les élèves qui parlent le mieux français intègrent par la suite le lycée français : les élèves ont donc un bon niveau et les instituteurs sont motivés par des échanges de correspondances entre élèves malgaches et français. Nous espérons qu'il sera intéressant pour les institutrices comme pour les élèves. Nous avons mis en place un système pour l'envoi du courrier en passant par une boîte postale pour qu'il soit acheminé ici. L'envoi du courrier est une grande histoire à Madagascar ! Nous suivrons attentivement la suite de cette aventure. Un remerciement tout particulier à David qui nous a bien aidé pour cet échange et par qui devrait transiter le courrier.



Complément d'information sur le taux de scolarisation des enfants

Dans la newsletter 2, nous vous disions, en parlant du travail des enfants, que la majorité allait à l'école. Ce constat s'appuyait sur ce que nous avions pu voir à Tananarive et à Diégo, ainsi que sur les discussions que nous avions pu avoir avec les différents acteurs du milieu. Mais certains chiffres avancent un taux de scolarisation des enfants à Madagascar de 3/10. Intrigués par cette information divergente, nous avons tenté d'y voir un peu plus clair.

Tout d'abord, il semblerait que le taux de scolarité des enfants soit différent en ville et à la campagne : en brousse, malgré la présence de nombreuses écoles, un certain nombre d'enfants n'y vont pas, soit parce que leurs parents ne le jugent pas utile, soit parce qu'ils sont indispensables à la réalisation des travaux des champs. On a aussi vu de jeunes enfants, malheureusement, qui cassaient des pierres aux cotés de leurs parents, dans une carrière…

Ensuite, si la majorité des enfants vont en classe de maternelle et de primaire, un certain nombre s'arrêtent juste après le certificat d'études (qui existe encore à Madagascar !) soit après le CM2. Dans ces conditions, il est logique que des statistiques nationales qui s'appuieraient sur un taux de scolarité des enfants jusqu'à 16 ans (comme ça se fait en France) avancent un taux de scolarisation de 3 pour 10.



Voilà pour cette 3ème newsletter, en espérant qu'elle vous ait plu et en vous disant à bientôt pour la suite de notre périple sur la côté Est, entre Sambava et Tana. Nous n'avons pas pu ajouter de nouvelles photos cette fois-ci sur le site internet de l'association, puisque nous avons dépassé la capacité maximale de téléchargement pour le mois de novembre, et que nous ne sommes pas en mesure de résoudre ce problème inattendu au vu de nos difficultés à accéder à internet depuis certaines localités de Madagascar.

A très bientôt,

Stéphanie et Simon.